Portraits de femmes exilées étudiantes en France: le parcours d’Anna, engagée pour les droits des femmes

ANNA*

A l’occasion du 8 mars, l’UEE vous propose une série de quatre portraits de femmes exilées étudiantes et en reprise d’études, nous en publierons un par semaine pendant le mois de mars sur notre site.

Peux-tu nous raconter dans les grandes lignes ton parcours jusqu’à ton arrivée en France ? Pourquoi être venue ici ? Es-tu venue avec ta famille ? 

Je m’appelle Anna, je viens de Turquie et j’ai 28 ans. Je suis arrivée en France fin juillet 2021. Ma famille est en France depuis six ans mais je ne pouvais pas venir les rejoindre car je suis d’origine kurde et, pour des raisons politiques, il m’était interdit de sortir du territoire.  

J’ai obtenu mon diplôme de Bac+3 en ingénierie mécanique puis j’ai travaillé un an dans la construction des chambres froides avant d’arriver en France. J’ai obtenu le statut de réfugié en janvier 2022 et j’ai commencé une formation de maraîchage, c’est comme ça que j’ai découvert la Maison des Réfugiés. J’ai ensuite cherché des cours de FLE et des DU Passerelle (DUP). Mon professeur de maraîchage m’a alors conseillé de contacter l’Union des Etudiants Exilés pour m’aider à m’orienter. J’ai ainsi intégré le DUP d’une Ecole à Paris à la rentrée 2022 : j’apprends le français et je suis aussi des cours de matières scientifiques.  

Pourquoi as-tu voulu reprendre des études en France ? Es-tu venue dans ce but ? Quels étaient tes espoirs et tes envies ? 

J’ai voulu reprendre mes études pour avoir des opportunités académiques, progresser mais aussi m’adapter à la vie ici, mieux m’intégrer et pour travailler. Je ne parlais ni français ni anglais en arrivant en France donc je voulais apprendre la langue française en premier.  

Comment cela s’est-il passé ? Des obstacles, des surprises, des rencontres ? 

Au début, il a été difficile de candidater au DUP notamment lors de la rédaction d’une lettre de motivation ou d’un CV car j’avais un niveau A0. Il a aussi fallu que je trouve une formation adaptée à mon niveau car aucune université ne commence pas leur formation à ce niveau-là

Dans ma formation en DUP je n’apprends pas seulement le français, nous avons aussi des cours de culture française, d’histoire et de littérature. Une fois par mois, nous avons des sorties culturelles à Paris. Nous avons rencontré des étudiant.e.s français.e.s et fait des binômes. Il y a aussi des binômes alumni avec des ancien.ne.s élèves du DU qui nous aident à avoir un réseau.  

Je n’ai pas eu de problèmes pour m’intégrer ou m’adapter car je suis sociable donc je ne me suis pas retrouvée isolée. 

Que voudrais-tu pour la suite ? Quels sont tes rêves ou projets futurs aujourd’hui ? 

Maintenant j’aimerais faire un master spécialisé en génie mécanique ou en mécanique des fluides à Paris, ce sont des domaines que j’avais déjà étudié en Turquie mais en France il faut se spécialiser. Cependant, je n’ai pas encore un niveau de français suffisant donc je vais faire une autre année en DU Passerelle pour avoir le niveau B1. J’aimerais rester à Paris, ma famille habite ici.  

Quels conseils donnerais-tu à d’autres étudiantes exilées qui veulent reprendre leurs études en France ? 

Parfois j’étais démoralisée car ce n’est pas facile d’intégrer un autre pays et d’apprendre une autre langue mais si on veut on peut tout réussir je pense. Mais en France il y a beaucoup d’associations qui aident les personnes exilées à s’adapter, à trouver du travail, à reprendre les cours et proposent des activités, n’hésitez pas ! A l’université, c’est très pratique d’être en binôme avec des étudiants français car ils peuvent donner beaucoup de conseils, aider à s’adapter et apporter de la motivation.  

Que t’évoques la journée du 8 mars ? 

Dans mon pays on a fait des manifestations aussi pour obtenir des droits mais maintenant c’est interdit. En Turquie les inégalités sont plus fortes qu’en France, par exemple, le 8 mars 2021 il y a une femme qui avait été tuée et il y en a tous les jours car il n’y a pas de droits pour les protéger, la justice d’Istanbul leur a supprimé des droits comme le droit à l’avortement. Pourtant, les femmes turques avaient beaucoup de droits et en avaient obtenu certains avant les femmes françaises comme le droit de vote en 1934. Quand le président s’est droitisé, les droits des femmes ont reculé.  

Je voudrais rajouter que Daesh a tué beaucoup des femmes notamment les femmes kurdes car beaucoup ne sont pas musulmanes. Quand on dit journée du 8 mars, on parle du droit pour toutes les femmes !  

Ce 8 mars, je veux commémorer toutes les femmes qui ont été tuées ou assassinées, j’ai une pensée particulière pour les femmes yézédies tuées par Daesh à Shengal, les femmes qui sont mortes en fuyant leur pays et toutes les femmes qui se sont sacrifiées pour la liberté. 

Femme, Vie, Liberté ! Jin, Jiyan, Azadî !