Note sur les constats et recommandations concernant les étudiant.e.s déplacé.e.s d’Ukraine
Cette note a comme but : 1) d’informer sur la situation des personnes déplacées d’Ukraine arrivées en France à partir de mars 2022 et qui ont repris les études universitaires en France 2) de présenter nos recommandations.
Vous pouvez la téléchargé Note- Etudiants d’Ukraine_Union des Etudiants Exilés
Introduction
L’Union des Etudiants Exilés (UEE) et l’accueil des étudiant.e.s en provenance d’Ukraine
Depuis le début du conflit, l’UEE a réalisé 453 rendez-vous avec les personnes en provenance d’Ukraine, dont 90% étaient avec des femmes. Nous avons réalisé 406 rendez-vous avec des étudiant.e.s originaires de pays tiers qui ont fui le même conflit (Angola, Algérie, Maroc, Tunisie, Cameroun, Guinée, Cote d’Ivoire, Burkina Faso..). La plupart des étudiant.e.s ukrainien.ne.s reçu.e.s dans le cadre de nos permanences ont eu leur protection temporaire renouvelée pour un an, suite à la période initiale octroyée (six mois).
La note se compose de deux parties : une première concernant nos constats dont les difficultés rencontrées par les étudiant.e.s déplacé.e.s d’Ukraine et une deuxième concernant nos recommandations afin d’améliorer l’accueil de ces derniè.e.s.
Première partie : Nos constats en ce qui concerne l’accès à l’enseignement supérieur des personnes en provenance d’Ukraine
- Malgré les nombreuses aides du gouvernement, des nombreux et nombreuses étudiant.e.s ukrainien.ne.s ont rencontré des difficultés pour subvenir à leurs besoins. Plus spécifiquement, les étudiants qui sont inscrits en formation FLE (hors DU Passerelles) n’ont pas accès aux bourses sur critères sociaux du CROUS. Cela les mets dans une situation de précarité importante. Un manque d’information concernant l’accès aux bourses CROUS (dont pouvaient bénéficier les personnes avec une inscription dans un établissement, avoir le titre de protection temporaire et justifier un foyer fiscal (rattaché aux parents, minimum de deux ans) à contribué à maintenir dans l’instabilité matérielle pour un certain temps les étudiant.e.s en provenance d’Ukraine. Par ailleurs, pour les étudiant.e.s ukrainien.ne.s entre 29 ans et 35 ans, l’Aide Spécifique Annuelle (ASA) n’est pas accessible.
- Pour les étudiant.e.s ukrainien.ne.s l’ADA et les bourses CROUS ne sont pas cumulables à taux plein donc les étudiant.e.s risquent de ne plus réussir à subvenir correctement à leurs besoins, au vu également de l’inflation des couts de la vie
- En ce qui concerne les difficultés liées au logement universitaire, nous avons observé que l’accès au logement pour les étudiant.e.s ukrainien.ne.s peut se faire seulement pendant la phase complémentaire d’attribution
- Malgré la création de plus de 87 000 places d’hébergement et l’hébergement citoyen impulsé par le gouvernement, nous avons observé des difficultés dans l’accès au logement. Nous avons observé notamment que des femmes ukrainiennes accompagnées par l’UEE ont rencontré des difficultés d’accès au logement et qui se sont retrouvées sans hébergement à cause de l’hébergement directif de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII), qui les obligeaient à quitter leurs logements en Ile de France et s’installer dans un autre endroit loin de leur université où elles avaient déjà commencé leur intégration.
- L’arrêt de la gratuité des transports publics. Cette mesure qui a été mise en place jusqu’en novembre a été levée. Nous considérons cette mesure très positive car elle permettait aux étudiant.e.s ukrainien.ne.s de se déplacer et étudier dans une université et qui avaient été placés par l’OFII sous le dispositif d’hébergement directif dans une ville différente de l’établissement universitaire où ils étudiaient.
- Difficultés pour l’ouverture d’un compte bancaire. Une des conditions obligatoires pour accéder aux bourses CROUS afin de recevoir l’allocation, consiste à avoir un compte bancaire courant. Or, les banques, même la Poste, fournissent le livret A aux étudiant.e.s exilé.e.s, notamment ukrainien.ne.s, qui empeche de recevoir leur bourse.
- Nous vous alertons d’un possible décrochage pour ceux et celles qui commenceront leurs cursus universitaires à la rentrée 2023/2024. Il nous semble que des cours de méthodologie spécifiques pour les étudiant.e.s ukrainien.ne.s ne sont pas prévus. Ces étudiant.e.s qui auront acquis le niveau B2 à la rentrée et qui vont être admis dans une formation universitaire, n’auront pas les bases méthodologiques pour mener à bien leur formation.
- Des marchés publics passés par Campus France ont fait bénéficier des cours de FLE à ceux et celles qui étaient passés par Campus France. Or ce n’était pas le cas pour tous et toutes les étudiant.e.s d’Ukraine. Dans le cadre de ce dispositif, aucune aide financière était prévue pour aider les étudiant.e.s souhaitant suivre ces cours.
- Dans une perspective de garantir la gratuité en ce qui concerne l’équivalence des diplômes par l’ENIC-NARIC, nous constatons l’absence de la mention sur le site du critère qui inclut le statut “protection temporaire”. Nous constatons que la liste des langues qui n’ont pas besoin de traduction assermentée, n’est pas inclue la langue ukrainienne.
- En ce qui concerne la CVEC, il n’existe pas une exonération pour le statut de protection temporaire, mais seulement pour les personnes réfugiées et demandeuses d’asile.
- La situation des étudiant.e.s originaires de pays tiers : le gouvernement français n’a pas accordé immédiatement le statut de protection temporaire aux étudiant.e.s originaires de pays tiers fuyant l’Ukraine, mais seulement un récépissé d’un mois, créant une grande instabilité matérielle. Ensuite, pour obtenir un titre de séjour étudiant, le gouvernement a exigé que ces étudiant.e.s passent par la procédure de Campus France, même s’ils et elles étaient déjà sur le territoire français. Cette procédure était en outre censée se terminer officiellement le 15 mars 2022, mais elle était inutile pour ces étudiant.e.s qui étaient déjà présent.e.s en France car ceux-ci ont commencé à arriver en France à partir du 10 mars. Pour ces étudiant.e.s qui se trouvaient en France inscrits dans des établissements universitaires français, le gouvernement français a imposé les conditions suivantes pour l’obtention d’un titre de séjour étudiant : preuve d’inscription à l’université, une adresse fixe, avoir un compte bancaire avec un solde créditeur de 7 380 €, le minimum requis pour une année, et que l’inscription soit homogène avec leurs études en Ukraine. Les étudiant.e.s qui pouvaient remplir ces conditions ont pu rester en France mais les autres ont été invités à aller en Espagne ou au Portugal, des pays qui ont ouvert la protection temporaire à tous et toutes les personnes déplacées d’Ukraine. Ces obstacles ont contraint de nombreux et nombreuses de ces étudiant.e.s à chercher des emplois informels pour subvenir à leurs besoins, ce qui a eu un impact négatif sur leur parcours d’études. En outre, ces étudiant.e.s n’ont pas le droit de demander une bourse du CROUS sur critères sociaux1, qui est une aide financière destinée aux étudiant.e.s. Enfin, le moratoire sur les expulsions prononcé par le gouvernement français en juillet 2022 jusqu’à la rentrée de septembre n’est plus en vigueur. De nombreux.euses étudiant.e.s étranger.e.s ont reçu des décisions d’OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) ou de non-renouvellement de leur titre de séjour, créant ainsi une grande insécurité et une précarité importante pour ces étudiant.e.s.
Deuxième partie : Nos recommandations
Nous saluons l’effort qui a été fait par le gouvernement français en termes d’accueil des personnes ukrainiennes fuyant le conflit. Nous saluons la rapidité avec laquelle le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR) a mis en place des nombreuses mesures d’accueil dans l’urgence de répondre à l’arrivée de personnes contraintes à l’exil par la guerre, notamment des étudiant.e.s.
Nous saluons également les universités qui ont fait preuve d’un engagement considérable pour accueillir et soutenir les chercheurs.euses et les étudiant.e.s réfugié.e.s.
L’UEE considère que l’intégration des personnes exilées par les études doit être considérée comme un pilier dans le cadre des politiques d’accueil et d’intégration des personnes migrantes. Pour cette raison, nous défendons un accueil équitable et juste pour tous et toutes les étudiant.e.s exilé.e.s, quel que soit leur nationalité, statut, sexe et origine. Les Ecoles et les Universités doivent être des lieux de création de modèles d’insertion sociale et des moyens inédits d’émancipation et d’inclusion.
Par la suite, nous allons vous exposer nos recommandations en ce qui concerne les améliorations pouvant être réalisées afin d’accueillir les étudiant.e.s en provenance d’Ukraine dans des meilleures conditions.
Une solidarité à long terme avec les étudiant.e.s en provenance d’Ukraine
- Nous recommandons la mise en place d’un plan d’action pour la gestion des urgences dans le cas où des crises comme celle de l’Ukraine devraient se représenter. Nous suggérons que ce plan soit conçu en interministériel.
- Nous suggérons la mise en place d’une soutien financier régulier et stable pour les établissements d’enseignement supérieur pour la gestion de crises
- Etablir une évaluation des mesures mises en place pendant la période de crise pour les étudiant.e.s
Production et mise à disposition de données statistiques
- Selon notre analyse des données Eurostat à disposition, des pays comme l’Allemagne, l’Espagne ou encore l’Italie ont octroyé respectivement 213 000, 162 000 et 150 000 titres de protection temporaire aux personnes en provenance d’Ukraine. La France en a octroyé 100 000.
Or, en ce qui concerne les étudiant.e.s, à titre d’exemple l’Allemagne a accueilli environ 10 000 étudiants contre 2 000 en France. Sur la base de données disponibles d’autres pays européens, les jeunes entre 18-34 ans représentent en moyenne entre 25% (Allemagne, Espagne, Italie) et 30 % (Portugal) de la population ukrainienne accueillie. Il est certain que la totalité de ces personnes n’ont pas repris des études universitaires mais cette tranche d’âge représente toutefois une partie importante du total des personnes accueillies (un quart). Nous ne disposons pas de données si précises pour la France malheureusement.
Nous observons par ailleurs, une continuité d’arrivées de personnes en provenance d’Ukraine entre juillet 2022 et décembre 2022, en moyenne 5 000 personnes ukrainiennes par mois ont continué à arriver en France.
Nous considérons qu’il est primordial d’avoir des données désagrégées et exhaustives concernant les étudiant.e.s en provenance d’Ukraine accueillis. Aujourd’hui des établissements universitaires essaient avec leurs moyens de renseigner des données mais de façon fragmentée et selon des variables hétérogènes. Des associations réalisent également ce travail, dont l’UEE. Il est nécessaire d’avoir un système de production de données transparent et que les données soient publiées de façon régulière. - Nous recommandons la mise en place d’un système de production de données désagrégées et d’une transmission régulière de données à Eurostat. De cette manière, il serait plus facile de déterminer les profils et les besoins des étudiant.e.s en provenance d’Ukraine. Nous recommandons de s’associer au CNOUS via CVEC, France Education Internationale via ENIC-NARIC, Campus France pour avoir des données spécifiques.
Inscription et accès à l’information
- Il est primordial de maintenir les dispositifs d’exonération mis en place dans les universités, comme pour la CVEC et les frais d’inscription, notamment pour les personnes avec le statut de “protection temporaire”
- En cas d’absence du certificat de diplôme ou du relevé de notes du fait des conditions d’exil, maintenir des procédures dérogatoires d’inscription pour les étudiant.e.s d’Ukraine comme la Demande d’Admission Adaptée voté par les établissements membres du Réseau MENS, visant à accompagner au mieux les étudiant.e.s, ou développer des procédures de validations des acquis adaptées à leur situation
- Garantir le droit à la reconnaissance des diplômes et des compétences pour l’inscription à l’université gratuitement : il est primordial que les établissements mettent en place des procédures de reconnaissance du niveau d’études des personnes candidates et sans diplôme, par exemple par des entretiens (VES, VAPP).
- Les informations liées à l’enseignement supérieur doivent être fournies par l’OFII et ses agents, ainsi que traduit en plusieurs langues. Par ailleurs, l’application réfugiés.info mise en place par la DIAIR devrait être affiché dans les lieux d’accueil
- Il serait nécessaire de prévoir des cours méthodologiques spécifiques et heures de tutorat pour les étudiant.e.s d’Ukraine à la rentrée 2022-2023, afin de mener à bien leur formation
- En ce qui concerne l’équivalence des diplômes ENCIC-NARIC (attestation de comparabilité), il serait important d’insérer la mention sur le site du critère de statut “protection temporaire”. Il faudrait par ailleurs insérer dans la liste des langues exemptées de traduction assermentées, la langue ukrainienne.
- Développer des programmes de mentorat entre étudiant.e.s français.e et en provenance d’Ukraine
Apprentissage du français
- Garantir des cours de français gratuits et diplômants pour les étudiant.e.s déplacé.e.s d’Ukraine
- Ces cours devraient être adaptés aux besoins académiques des personnes exilées
Conditions matérielles de vie
La stabilité matérielle est l’un des piliers pour un bon accomplissement des études universitaires.
Ce que nous recommandons en ce qui concerne les ressources financières :
- Ouverture des bourses et logements CROUS à tous les étudiant.e.s inscrit.e.s dans l’enseignement supérieur, quel que soit leur nationalité et leur statut administratif
- Reformuler le critère portant sur l’obligation de fournir une attestation de foyer fiscal de deux ans pour les personnes qui ont une carte de séjour temporaire et une carte de résident comme suit : « (…) être domicilié en France depuis au moins 6 mois et/ou attester d’un foyer fiscal de rattachement en France depuis au moins 6 mois (..) » afin d’éviter les refus pour cause de non-possession d’une attestation d’imposition alors que les personnes sont éligibles aux aides.
- Il faudrait donner l’accès à l’ASA eaux étudiant.e.s sous statut de “protection temporaire”
- Nous recommandons que la bourse CROUS et l’ADA soient cumulables à taux plein
- Nous demandons à ce que des “référents CROUS réfugiés” soient rétablis et qu’une liste de ceux-ci soit mise à jour, publiée et rendue accessible afin de pouvoir avoir un accès direct et facilité pour les étudiant.e.s exilé.e.s, notamment pour ceux et celles en provenance d’Ukraine (tout statut confondu).
- En ce qui concerne les difficultés pour l’ouverture du compte bancaire, nous suggérons la mise en place de partenariats avec les banques
Le manque l’accès aux logements met en danger la poursuite des études des personnes exilé.e.s et le met dans une situation de grande précarité. Un accès à un logement sûr, confortable et durable tout au long des années d’étude à un prix abordable pour les étudiants exilés est primordial afin de leur garantir une sécurité matérielle, sanitaire et psychologique.
- Nous demandons l’accès à la phase principale d’attribution de logements pour les étudiant.e.s ukrainien.ne.s
- Nous demandons l’aménagement de l’hébergement directif prononcés par l’OFII pendant la période des études, qui peut s’avérer un dispositif décourageant qui entrave le droit à l’accès aux études supérieures. Les étudiant.e.s devraient être en mesure de solliciter un logement près de leur lieu d‘études et inversement l’OFII devrait prendre en charge le changement de lieu de vie.
- Les étudiant.e.s ukrainien.ne.s sous protection temporaire devraient être inclus dans la garantie visale
Pour les étudiant.e.s en provenance de pays tiers, qui ont fui l’Ukraine
- Nous demandons la prise en compte des situations spécifiques des étudiant.e.s originaires d’autres pays ayant fui l’Ukraine