Etudiant.e.s exilé.e.s déplacé.e.s d’Ukraine : le bilan de l’UEE après 1 an de conflit

Alors qu’une année s’est écoulée depuis le conflit en Ukraine, la guerre perdure. L’Assemblée générale de l’ONU a voté une résolution réclamant une paix “juste et durable” en Ukraine la veille de l’anniversaire du conflit.

Nous n’oublions pas la souffrance et les difficultés auxquelles beaucoup de personnes déplacées d’Ukraine ont dû faire face.

Depuis le 24 février 2023, l’Europe a accueilli 8 millions de personnes déplacées d’Ukraine selon l’ONU.

La France a accueilli 106 000 ressortissants Ukrainiens, la plupart sous protection temporaire, une mesure inédite qui a été activée grâce à une directive de la Commission Européenne. C’est la première fois en 21 ans que cette mesure de protection a été activée.

Cette mesure a permis aux ressortissant.e.s ukrainien.ne.s de bénéficier d’un permis de séjour (temporaire) et un accès facilité aux conditions matérielles telles que l’accès à l’enseignement supérieur, à l’assistance sociale, au logement, à une allocation de l’Etat et au marché du travail. Au contraire, les ressortissant.e.s de pays tiers déplacé.e.s de l’Ukraine qui ont fui également la guerre, ont été exclu.e.s de cette mesure.

Les dispositifs mis en place pour les étudiant.e.s déplacé.e.s d’Ukraine 

Le gouvernement français s’est tout de suite mobilisé pour venir en aide aux réfugié.e.s ukrainien.ne.s avec la mise en place de nombreuses mesures d’accueil[1].

En ce qui concerne les étudiant.e.s ukrainien.ne.s, le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche a mis en place un dispositif d’accueil important pour ceux et celles qui souhaitaient reprendre les études universitaires en France.

Environ 2000 étudiant.e.s déplacé.e.s d’Ukraine ont eu un accès à l’enseignement supérieur avec un accès, notamment aux bourses du CROUS (Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires) sur critères sociaux, à l’aide d’urgence du CROUS, aux repas à 1eur dans les restaurants universitaires, aux aides au logement, aux services de santé universitaires, à des mesures dérogatoires d’inscription avec une exonération totale des frais d’inscription, des mesures exceptionnelles pour la traduction des diplômes, l’accès à l’alternance.

L’Union des Etudiants Exilés s’est engagé aux côtés des étudiant.e.s déplacé.e.s d’Ukraine 

Depuis le début du conflit, l’UEE a réalisé 453 rendez-vous avec les personnes en provenance d’Ukraine, dont 90% étaient avec des femmes. Nous avons réalisé 406 rendez-vous avec des étudiant.e.s originaires de pays d’Afrique (Angola, Algérie, Maroc, Tunisie,  Cameroun, Guinée, Cote d’Ivoire, Burkina Faso..), qui ont fui le même conflit.

La plupart des étudiant.e.s ukrainien.ne.s reçu.e.s dans le cadre de nos permanences ont eu leur protection temporaire renouvelée pour un an, suite à la période initiale octroyée de six mois.

Malgré les aides, des étudiant.e.s ont rencontré des difficultés

Malgré les aides reçues par les étudiant.e.s ukrainien.ne.s, ces dernier.e.s ont fait face à des difficultés qui ont affecté leurs vies et notamment leur parcours universitaire. Ils et elles ont dû faire face à des manques de ressources financières, des problèmes pour l’ouverture d’un compte bancaire et d’accès au logement étudiant, ainsi que l’obtention de l’équivalence de diplômes par l’ENIC-NARIC (European Network of Information Centres – National Academic Recognition Information Centres).

Nous avons observé que des femmes ukrainiennes accompagnées par l’UEE rencontraient des difficultés d’accès au logement et qui se sont retrouvées à la rue à cause de l’hébergement directif de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) qui les obligeaient à quitter leurs logements en Ile de France et s’installer dans un autre endroit loin de leur université où elles avaient déjà commencé leurs intégration.

Des étudiant.e.s étranger.e.s en provenance d’Ukraine ont fui leur pays et ont cherché à poursuivre leurs études supérieures en France. Cependant, ils et elles ont rencontré de nombreux obstacles.

Tout d’abord, le gouvernement français n’a pas accordé immédiatement le statut de protection temporaire à ces étudiant.e.s, mais seulement un récépissé d’un mois, créant une grande instabilité matérielle. Ensuite, pour obtenir un titre de séjour étudiant, le gouvernement a exigé que les étudiant.e.s passent par la procédure de Campus France[2], même s’ils et elles étaient déjà sur le territoire français. Cette procédure était en outre censée se terminer officiellement le 15 mars 2022, mais elle était inutile pour ces étudiant.e.s qui étaient déjà présent.e.s en France car ceux-ci ont commencé à arriver en France à partir du 10 mars.

Pour les étudiant.e.s venant d’un pays tiers déplacé.e.s d’Ukraine qui se trouvaient en France inscrits dans des établissements universitaires français, le gouvernement français a imposé les conditions suivantes pour l’obtention d’un titre de séjour étudiant : preuve d’inscription à l’université, une adresse fixe, avoir un compte bancaire avec un solde créditeur de 7 380 €, le minimum requis pour une année, et que l’inscription soit homogène avec leurs études en Ukraine. Les étudiant.e.s qui pouvaient remplir ces conditions ont pu rester en France mais les autres ont été invités à aller en Espagne ou Portugal, des pays qui ont ouvert la protection temporaire pour tous et toutes les étudiant.e.s déplacé.e.s d’Ukraine.

Ces obstacles ont contraint de nombreux étudiant.e.s à chercher des emplois informels pour subvenir à leurs besoins, ce qui a eu un impact négatif sur leur parcours d’études. En outre, ces étudiant.e.s n’ont pas le droit de demander une bourse du CROUS sur critères sociaux[3], qui est une aide financière destinée aux étudiant.e.s.

Enfin, le moratoire sur les expulsions prononcé par le gouvernement français en juillet 2022 jusqu’à la rentrée de septembre n’est plus en vigueur. De nombreux.euses étudiant.e.s étranger.e.s ont reçu des décisions d’OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) ou de non-renouvellement de leur titre de séjour, créant ainsi une grande insécurité et une précarité importante pour ces étudiant.e.s.

 

L’UEE défend un accueil inconditionnel des tous et toutes les étudiant.e.s exilé.e.s, quel que soit leur nationalité, statut, et origine.

Les dispositifs mis en place pour les étudiant.e.s Ukrainien.ne.s doivent être rendus accessibles à tous et toutes les autres étudiant.e.s exilé.e.s, quel que soit leur statut et nationalité.

 

Nous demandons tout particulièrement : 

Accès à l’enseignement supérieur

  • Création d’une véritable politique d’accueil au sein des établissements universitaires pérenne et égalitaire partout sur le territoire français. Les Ecoles et les Universités doivent être des lieux de création de modèles d’insertion sociale et des moyens inédits de rencontre, de réflexion et de partage.
  • Faire de l’intégration sociale des personnes exilées une priorité du système éducatif et d’autres systèmes sociaux. L’État français doit réduire les obstacles bureaucratiques imposées à ce public
  • Donner à toutes les personnes exilées sans exception, indépendamment de leur situation administrative, un accès véritable et réel à l’éducation à tous les niveaux et sans discrimination
  • Donner aux étudiant.e.s exilé.e.s, en particulier dans l’enseignement secondaire, la liberté de choisir la section qu’ils et elles veulent étudier, sans que la formation professionnelle ou technique soit imposée en fonction des besoins du marché du travail en France
  • Les établissements d’enseignement supérieur doivent répondre aux différents besoins des étudiant.e.s exilé.e.s pour faciliter leur participation dans la vie étudiante, garantir l’égalité en donnant les moyens et les outils de travail pour leur réussite dans le parcours académique.

Inscription

  • Maintien des dispositifs d’exonération mis en place dans les universités accueillantes
  • Extension de l’exonération automatique des frais d’inscription aux étudiant.e.s exilé.e.s
  • En cas d’absence du certificat de diplôme ou du relevé de notes du fait des conditions d’exil, mettre en place exceptionnellement des entretiens d’orientation pour les personnes exilées visant à accompagner au mieux les étudiant.e.s, ou développer des procédures de validations des acquis adaptées à leur situation
  • Garantir le droit à la reconnaissance des diplômes et des compétences pour l’inscription à l’université : les établissements d’enseignements doivent mettre en place des procédures de reconnaissance du niveau d’études des personnes candidates et sans diplôme, par exemple par des entretiens. Cette procédure est réglementée par la Convention de Lisbonne de 1997, mais elle n’est pas appliquée.

Apprentissage du français

  • Nous demandons la garantie du droit à l’apprentissage du français au-delà de la communication basique, et un accès inconditionnel à la formation académique ou professionnelle des nouveaux et nouvelles arrivant.e.s
  • Si la personne n’a pas le niveau requis en Français Langue Etrangère, l’université doit lui proposer de s’inscrire dans un programme d’accueil, dont la nécessité devrait être inscrite dans le code de l’éducation. La systématisation de ces programmes d’accueil destinés à la reprise d’étude d’étrangers doit permettre la généralisation, l’harmonisation et le financement de tous les programmes (comme par exemple les Diplômes Universitaires Passerelle)

Conditions matérielles de vie

  • Ouverture des bourses et logements CROUS à tous les étudiant.e.s inscrit.e.s dans l’enseignement supérieur, quel que soit leur nationalité et leur statut administratif
  • Ouverture des bourses et logements CROUS aux demandeurs d’asile inscrits à l’université dès l’entrée en licence
  • Le manque l‘accès aux logements met en danger la poursuite des études des personnes exilé.e.s et le met dans une situation de grande précarité. Un accès à un logement sûr, confortable et durable tout au long des années d’étude à un prix abordable pour les étudiants exilés afin de leur garantir une sécurité sanitaire, mentale et psychologique
  • Augmentation des quotas d’étudiant.e.s étranger.e.s dans les logements universitaires et ouverture des candidatures dans la phase principale et non complémentaire
  • Suppression de la restriction du nombre d’heures de travail pour les personnes détenant un visa étudiant
  • Nous demandons l’aménagement de l’hébergement directif prononcés par l’OFII pendant la période des études, qui peut s’avérer un dispositif décourageant qui entrave le droit à l’accès aux études supérieures.

 

 

 

[1] Notamment une offre de formation linguistique en ligne, des mesures pour favoriser l’insertion professionnelle, la création d’une plateforme pour organiser l’accueil des familles françaises, des aides financières..

[2] Cette procédure est prévue pour les étudiant.e.s qui font des candidatures depuis d’autres pays

[3] Les étudiant.e. s en provenance de pays tiers déplacés d’Ukraine, sont considérés comme des étudiants internationaux, qui n’ont pas droit aux bourses CROUS, s’ils ne justifient pas d’une résidence de deux ans et un foyer fiscal