Enana Bondok, première réfugiée représente la France au United Word Colleges

 

Ils sont arrivés en septembre 2013 en France et à Reims en juillet 2014. Farizah Bondek et ses deux enfants, Adonis et Enana arrivaient alors tout droit de Syrie. Opposante au régime et menacée, Farizah a laissé son mari poursuivre seul le combat. Ils sont sans nouvelle de lui.

L’ambiance est joyeuse dans le petit appartement du quartier Wilson de Reims. Les valises se remplissent. Ce sont celles d’Enana, 16 ans. Elle part continuer ses études aux Pays-Bas à Maastricht. Le United Word Colleges l’a sélectionnée et elle fera partie de la délégation des lycéens français. Une autonomie rêvée par la jeune fille. “C’est tout un mélange d’émotions. Le regard de ma mère qui me dit… tu vas partir, m’attriste. Mais je suis tellement contente de partir et d’avoir cette indépendance”.
A quelques jours du départ, mère et fille sont côte à côte, pour préparer les bagages et terminer le dossier administratif.

Le silence de Damas

Ensemble, une image qui à elle seule résume ce qu’a été la vie de Farizah et de ses deux enfants depuis leur arrivée en France en 2013. Après une année hébergée par France Terre d’Asile à Paris, ils arrivent à Reims en juillet 2014. Reconnus réfugiés politiques, c’est une nouvelle vie qui débute… avec en suspens les nouvelles du mari, du papa, qui n’arrivent plus.

Opposants politique Farizah et son mari Nasser ont dû prendre une décision. Il fallait mettre à l’abri les enfants et leur permettre de grandir. S’opposer au régime de Bachar El Assad est à ce prix. Farizah part pendant que Nasser continue le combat aux côtés de la population syrienne de Damas. Pendant deux ans, la vie se passe ainsi et chacun prend des nouvelles de l’autre très souvent. Lors de ce qui sera la dernière conversation téléphonique, Farizah demande à son mari de venir les rejoindre. Quelques jours plus tard, elle apprend que Nasser a été arrêté et incarcéré.
Farizah et ses deux enfants n’ont plus aucune nouvelle depuis plusieurs années maintenant.

Etudes et sport : des objectifs d’intégration

Eprise de liberté et d’intégration, la famille Bondek sait que les études sont essentielles à la construction de leur vie en France. Enana intègre très vite un parcours scolaire classique. Elle qui ne parlait pas un mot de français à son arrivée en 2013 le maîtrise parfaitement et aide sa maman à progresser. Et puis, le sport devient aussi une part importante de sa vie.

En 2015, elle découvre le patinage de vitesse sur glace. Elle n’avait jamais chaussé les patins de sa vie et en quelques mois, elle devient la « prodige » du club de short-track de Reims. Elle acquiert la technique qui lui permet de se propulser en haut du classement. Enana décroche les minimas pour participer aux championnats de France. 6e, 4e en individuel et 3e en relais, elle se sélectionne pour les championnats d’Europe. “L’adrénaline, la vitesse procurent une sensation de liberté. Aujourd’hui encore, si je ne fais pas de sport, j’ai l’impression qu’il y a un truc qui me manque”, précise encore la jeune fille.
Footing, natation, roller sont devenus, par défaut, ses sports de prédilection. Une grave blessure au genou a stoppé nette ses prétentions, juste avant les championnats d’Europe. Depuis deux ans, elle se soigne et reprend petit à petit. “Il a fallu que je revois mes priorités. Lorsque j’ai pris connaissance de l’existence du United Word Colleges, je me suis dit : je veux y aller. En quelques semaines, j’ai pris contact, passer les sélections”, explique la jeune fille de 16 ans. Soutenue par sa maman et son grand frère Adonis, Enana sait qu’elle a fait le bon choix. “Mes parents nous ont toujours appris à ne pas rester dans notre environnement, à découvrir les choses, les personnes,” raconte-t-elle encore.

Fière de ses enfants

Farizah, elle, va faire face à une autre vie. Adonis est à Paris à l’université Paris VIII où il entre en Master « réalisation de documentaire ». Sa petite dernière part au Pays-Bas pendant deux ans pour décrocher un bac international. “Je suis fière d’eux, dit-elle avec émotion. Ce n’est pas facile pour moi, mais ils vont revenir pendant les vacances”.

Dans le sourire de cette maman, le signe du devoir presque accompli. De la promesse faite à son mari d’être une femme forte. Farizah a été et reste le socle de la famille. Solide, aimante, elle appréhende cette nouvelle vie comme un nouveau départ. Son jardin est son refuge et la nature lui procure beaucoup de sérénité. Et puis, professeur de mathématiques, elle aimerait tant pouvoir à nouveau enseigner. Son objectif sera dans les mois à venir de travailler suffisamment son français pour l’envisager. Elle va également proposer des cours particuliers, ce qu’elle a déjà commencé à faire grâce à la maison de quartier. “Qui va me corriger mon français”, dit-elle en souriant à l’intention de sa fille. “Tu y arrives déjà très bien”, l’encourage Enana d’un regard complice.

La France, une seconde patrie

Si leurs racines restent bien ancrées, Farizah et sa famille savent que grâce à la France ils peuvent vivre.

Etre dans la délégation française des lycéens sélectionnés pour entrer à United World Colleges est une première étape. Elle considère aujourd’hui la France comme sa seconde patrie et est fière de représenter ce pays au Pays-Bas.
Enana ne quittera pas Reims sans mettre dans ses bagages quelques photos-souvenirs de ses amis, de sa famille… de son papa incarcéré en Syrie depuis plusieurs années et dont elle reste sans nouvelle. “Papa, dit-elle en regardant sa photo. J’essaye de voir le côté positif. Je me dis qu’il me regarde et qu’il veut que j’avance dans la vie”.

Enana est la première réfugiée à représenter la France à United World Colleges. Le 27 août, elle fera sa rentrée des classes à Maastricht au Pays-Bas. Avec des lycéens venus du monde entier, elle continuera à construire sa vie et à croire en son avenir

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