Tribune Étudiants et étudiantes afghanes: En finir avec les politiques d’hostilité
A l’initiative du UEE et RESOME (site) et de Solidaire Etudiant.eS (site)
Le 15 août 2021, sous le regard sidéré de la communauté internationale, les Talibans prenaient le contrôle de Kaboul, capitale de l’Afghanistan et siège d’une université quasi centenaire, cible répétée d’attentats meurtriers au cours des dernières années. La menace sur la sécurité et la liberté des afghans, et en particulier des femmes afghanes, nous a saisis d’effroi. C’est donc avec une attention inquiète, que nous, membres de la communauté étudiante et universitaire, avons lu la lettre écrite par la Ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation aux chefs d’établissement le 23 août 2021. Nous espérions une prise de position à la hauteur de la catastrophe – à la hauteur aussi de l’espérance de nos camarades et collègues, étudiant·es, enseignant·es, chercheur·es, professeur·es, qui ont fui, fuient aujourd’hui et continueront de fuir le nouveau régime en place en Afghanistan, solidaire enfin de tous ceux et toutes celles qui traversent les frontières pour espérer trouver en France un lieu de refuge et d’épanouissement, d’exercice de leur libre conscience et de leurs capacités critiques.
Mais tout ce que le Ministère propose, c’est un bricolage improvisé dans l’urgence, un appel vide de tout moyen, sans considération aucune pour les étudiants afghans et les étudiantes afghanes d’ores et déjà présentes sur le territoire et maltraitées par l’institution universitaire. Dans sa lettre aux chefs d’établissement, Frédérique Vidal enjoint à « faciliter les inscriptions, mettre en place des solutions d’accueil et d’hébergement » pour les étudiants afghans. Or, si les exilés afghans sont empêchés d’accéder à l’enseignement supérieur, c’est d’abord à cause du coût des études. Car la malnommée “Bienvenue en France”, cette réforme portée en 2018 par le cabinet Vidal, a érigé un mur d’argent entre les étranger·es non-communautaires et l’université. Une personne fuyant les balles des talibans doit ainsi payer à son arrivée en France 2770€ pour entrer en licence, 3770€ pour entrer en Master. Un soutien réel à ces étudiant·es exige la suppression pure et simple de Bienvenue en France, cette machine à sélection par l’argent, ainsi que de toutes les politiques d’hostilité qui ont rendu la vie des étudiant·es étranger·es invivable. L’arbitraire des délivrances de visa, l’introduction d’un délai de carence à la Sécurité sociale, la difficulté de renouvellement des titres de séjour en préfecture, les conditions de ressources exorbitantes ou la limitation du droit au travail des étudiant·e·s sont autant de freins au droit aux études qui vont contre les valeurs les plus élémentaires de la communauté universitaire et étudiante.
Frédérique Vidal exhorte les chefs d’établissements à se tourner vers les CROUS pour y trouver à la va-vite des logements vides pour les étudiant·es afghan·es. Or, le problème est structurel: aucun dispositif de soutien n’est actuellement prévu par les CROUS pour accompagner les étudiant·es en demande d’asile, et les résidences étudiantes sont largement saturées.
Enfin, Frédérique Vidal souhaite “mobiliser tous [les] leviers pour venir en aide avec toute la force nécessaire aux afghans”. Or depuis l’été 2015, les établissements se sont mobilisés pour accueillir les personnes exilées en reprise d’études : des dizaines de programmes et d’associations étudiantes ont su, à partir du drame syrien, mettre en place des dispositifs égalitaires et efficaces de soutien et d’apprentissage du français pour les personnes exilées. Mais ces initiatives souffrent d’un manque chronique de financement, de personnel et de soutien institutionnel. Les Diplômes Universitaires Passerelles, ces programmes mêlant cours de français et méthodologie universitaire, ont trois fois moins de places qu’il n’y a de candidat·es éligibles. Au-delà des jeux de communication, il faut investir dans le système universitaire, depuis trop longtemps délaissé et appauvri par les réformes successives, et pérenniser les initiatives d’accueil établies depuis 2015.
Si les réfugié·es arrivent à poursuivre leurs études aujourd’hui, ce n’est donc pas grâce au Ministère de Frédérique Vidal, mais contre les obstacles qu’il a dressés sur leur chemin. Les étudiant·es afghan·es, comme ceux issus d’autres pays, sont déjà présent·es, se battent pour étudier et pour survivre dans la dignité, et elles et ils continueront d’arriver. Le bricolage insatisfaisant proposé par Madame Vidal est indigne des luttes et des espoirs de tous les réfugié·es, et pas seulement de celles et ceux qui viennent d’Afghanistan – on oublie aujourd’hui les autres comme on oubliait les Afghan·es au moment de la “crise syrienne”. Contre cette politique inégalitaire et incohérente de l’urgence médiatique, l’effectivité de la protection repose sur l’octroi de visas pour toutes les personnes nécessitant une protection, sur la simplification des procédures de réunification familiale, sur des programmes universitaires conçus pour toutes et tous les exilés. A défaut, nous resterons impuissants devant toutes les crises futures qui ne manqueront pas de nous sidérer et en appelleront à nouveau à notre responsabilité.
Au-delà du monde universitaire, à toutes celles et ceux qui arrivent en France pour y vivre et y trouver la sécurité, un droit à l’éducation, à la formation et à la dignité doit être garanti. Trop souvent, nous nous résignons devant l’hostilité à l’égard des étranger·es, au point de ne plus lutter pour assurer inconditionnellement des cours de français dès l’arrivée sur le territoire ; au point de ne plus défendre leur droit au travail, à la formation et à l’apprentissage ; de ne même plus protester collectivement devant le spectacle écoeurant des lacérations de tentes et du déni de droits dans les campements où survivent les exilés afghans et tant d’autres.
A l’université comme ailleurs, il est temps d’en finir avec les politiques d’hostilité.
Organisations signataires (ordre alphabétique)
Association Étudiants Exilés Paris Diderot – Association Paris d’Exil – CGT FERC Sup – BAAM – Climat Social – ÉCHARDE – syndicat étudiant de l’ENS de Lyon – FAGE, Fédération des Associations Générales Étudiantes – Fédération SUD éducation – GISTI – InFLEchir – L’Alternative, l’organisation étudiante représentative – Queer Éducation – SUD Recherche EPST – Terre d’Ancrages – UNEF, le syndicat étudiant – UniR Universités & Réfugié.e.s – Université Ouverte
Signataires (ordre chronologique)
Claude DENISSE (Enseignant-chercheur retraité AgroParisTech)
Paul Schor, MCF, Université de Paris
Sophie Wahnich, directrice de recherche CNRS
Cécile Boëx, Ehess
Catherine Wihtol de Wenden, CNRS
Thomas Piketty
Armelle Andro Professeure Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Celio Sierra-Paycha (Paris 1)
Claire Scodellaro (maîtresse de conférences, Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne)
Pierre Eloy (Maître de conférences, Paris 1)
Patrick Simon (chercheur, INED et ICM)
Karen Akoka, sociologue, Université Paris Nanterre
Magali Bessone, Professeure de philosophie, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
Gilbert Achcar
Thomas Sommer-Houdeville (Chercheur)
Pauline Clochec (MCF)
Caroline Ibos, Professeure de sociologie, Université Paris 8
Eric Fassin, sociologue, Université Paris 8
Philippe Corcuff, maître de conférences de science politique à Sciences Po Lyon
Lucia Direnberger
Emmanuel Charrier
Nadine Razgallah
Manuela Parillo, Paris 1 Panthéon Sorbonne
Eric Berr (économiste, université de Bordeaux)
Luisa Bonadies
Patricia Vedova
Guillaume le Blanc, philosophe, professeur de philosophie à l’Université de Paris
Anouk Taussac, étudiante, secrétaire de L’Alternative, union syndicale et associative
Laurence De Cock, historienne, enseignante
Fabrice Dhume, sociologue
Romy Sánchez, chargée de recherche CNRS
Karine PARROT, Professeure de droit à l’Université
Martin Deleixhe, professeur de sciences politiques à l’ULB
Marion Faure-Ribreau (enseignante à Paris 1)
Danièle Lochak (professeure émérite Paris Nanterre)
Maxime Combes
Marwan Mohammed, sociologue.
Anne-Laure Amilhat Szary, Professeure, Univ. Grenoble Alpes
Geoffroy de Lagasnerie (philosophe et sociologue)
Édouard Louis, écrivain
Matthieu Chatelain (élève à l’ens Lyon)
Katia Resende de Melo
François Cormier (élève normalien)
Maëlle Roussel
Clément Petitjean, maître de conférences
Maé Robert
Helline Loiseau
Tamara Boussac, maîtresse de conférences
Eléa Chastan
Chiara Denti
Lou Bouhamidi
Swanie Potot (sociologue, CR CNRS)
Aubépine DAHAN, membre de Paris d’Exil
Ambre Rioux
Clémentine VIGNAL, Professeure Sorbonne Université
Emmanuelle Jourdan-Chartier, Enseignante, Université de Lille
Sophie Busson, enseignante FLE
Claire Lévy
Roger GUERIN, Prof des Universités, Sorbonne Université
Emilie Counil, chercheure à l’Ined
Patricia LEGRIS Vice-présidente Vie étudiante, Santé, Solidarité et Accompagnement social des étudiant.e.s (Université Rennes-2)
Marine Haddad (Sociologue)
Arthur Vuattoux (MCF, Université Sorbonne Paris Nord, IRIS)
Sophie Bilong, consultante asile et immigration
Romane Sabrié
Stéphane Gançarski
Julien LONG, doctorant en histoire contemporaine – Université de Nantes
Pierre Crétois (Maître de conférences en philosophie politique)
Thomas Augais
Emeline ZOUGBEDE (sociologue), ICM
Mona Larsen Enseignante en Français Langue Etrangère
LAE Jean-françois Professeur de sociologie émérite Paris 8 Saint-Denis
Céline Cantat, Sciences Po
Valentin REBOUR, doctorant contractuel à l’université Paris-Nanterre
Moritz Hunsmann (chercheur CNRS)
Michela Gribinski Sorbonne Université
Florence Giust-Desprairies. Professeur émérite . Université de Paris
Juliette Monvoisin (doctorante en philosophie)
Morgane Dujmovic (Dr. en géographe, Aix-Marseille Université)
Alice Franck (MCF en géographie, Université de Paris 1)
FOULiARD Jeremy
Koutsioumpa Eleftheria, Doctorante
Serge SLAMA
Amandine Spire, maître de conférences en géographie, CESSMA, Université de Paris
Martine Leibovici, MCF émérite, Université de Paris
Cécile Dubernet
Juliette Duclos-Valois
Tana Bao
Shoshana Fine
Nicolas Jaoul (anthropologue, chercheur au CNRS)
Claire Naiditch
Catherine Brice, PRofesseure d’histoire contemporaine, UPEC
Azadeh Kian, professeure , université de Paris
Hélène Bertheleu
Gilles PINSON
Michèle Leclerc-Olive
Kahena Sanaâ, MCF Arts plastiques Université de Strasbourg
Joelle Le Marec PR Sorbonne Université
Marie Moncada
Bassi Marie. MCF science politique (université Côte d’Azur)
Hugo Bréant, post-doctorant
Victor Pereira
Chantal Crenn UPV
Boutros Hallaq
Lisa Damon
Thomas Lacroix (chercheur CNRS)
Mahamet Timera, Université de Paris
Catherine Mazauric, Professeure, Aix-Marseille Université
Elise Pape
Inès Labainville, doctorante en sociologie, IRIS
Marie-Christine BORDE
Soraya GUENIFI
Marie Cuillerai, LCSP Université de Paris
Morane Chavanon, docteure
Maïtena ARMAGNAGUE, Enseignant-chercheure
Ivan Garrec (Doctorant en sociologie, USPN/IRIS)
Dr. Khaleefa
MCF ULHN
Julien Brachet (chercheur)
Maxime Maréchal (doctorant en sociolinguistique, Université de Paris)
Sara Benoist (enseignante, université de Caen-Normandie)
Alain Minet, chercheur associé au LCSP
Simona TERSIGNI, MCF en sociologie, Université Paris Nanterre
Pascal Maillard, universitaire, Université de Strasbourg
Annie THEBAUD MONY
Morgan doctorant
Virginie Forestier
Mathilde Darley, CNRS
Magali Ruet
Frédérique Richaud
Philippe Artières (historien au CNRS)
Constance PERRIN-JOLY
Julie Rodrigues Leite (Doctorante), IRIS, EHESS
Emilie Da Lage (Université de Lille)
Géraldine Bozec, MCF Université Côte d’Azur
Francois VOLLE
Fabrice Flipo (Université de Paris)
Anna Perraudin, CR CNRS
Clémence Auzary, étudiante
Xavier Kieft (enseignant DU RESPE – Sorbonne Université)
Emma Andrieux
Ludovic Morand
Eloise soulier
Stéphanie Pryen
Alexis Nuselovici (Nouss), Aix-Marseille Université
Abdelhak QRIBI
Elodie Druez
Vincent Bollenot (doctorant en histoire)
Laura Odasso (chercheure assistance, chaire Migrations et Sociétés, Collège de France, fellow ICM)
Sylvie Barrier
Laure Sizaire
Christophe Bertossi, fellow de l’Institut Convergence Migrations
Camille Gardesse Maîtresse de conférence sociologie et urbanisme
Sylvie SOHIER, retraitée directrice de centre universitaire de FLE
Morice Alain (chercheur CNRS)
Martín CAVERO
André Rebelo
Judith HAYEM Université de LIlle
Rémi Carcélès (doctorant), Aix-Marseille Université
Elsa Maneval
Gilles Billen, directeur de recherche CNRS
Emma Empociello (doctorante)
Sonia KÉ
Gayraud Irène (Maîtresse de conférences)
Olivier Clochard (Migrinter)
Maboula Soumahoro, Présidente, association Black History Month
Matthieu Tardis, chercheur
Catherine Fabre Renault, VP CEVU honoraire Sorbonne Nouvele
Edward Blumenthal, Civilisation de l’Amérique latine, Université Sorbonne Nouvelle
Pauline Guinard, enseignante-chercheuse
Corinne Madoumier Moriceau
Sophie Bava IRD
Amandine Guyot
Christelle Reggiani
Alexis Spire
Gaspard Ostian
Elisabeth Belmas
Christiane VOLLAIRE, Philosophe
Grégory Bekhtari
Barbara Stiegler
Berthu-Courtivron
Sarah Mazouz, sociologue, CNRS
Pierre Tevanian, philosophe, enseignant
Amira BELFODIL
Maurine Montagnat, Directrice de recherche CNRS
Cristina Del Biaggio, géographe, maîtresse de conférences Université Grenoble Alpes
Camille Héraud
Catherine Delcroix
Loup Oyarzun, membre de Queer Éducation
Léopoldine Manac’h, membre de Queer Éducation
Camille NAU
Ana Carolina freires Ferreira
Lise Landrin (Pacte / Université Grenoble Alpes)